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Interview Jean Fauque

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Jean Fauque : “Alain Bashung avait un humour à l’anglaise”

 

 

 

Jean Fauque, l’ami et le parolier du chanteur de Ma petite entreprise, a préfacé Bashung (s), une vie, un ouvrage écrit par le journaliste Marc Besse.

Il est l’homme de l’ombre. Celui qui se fait discret et qui pourtant a écrit les plus belles chansons d’Alain Bashung comme Osez Joséphine. Jean Fauque, compositeur de l’artiste, préface la biographie du chanteur qui sort aujourd’hui. Le parolier revient sur les trente-quatre années passées auprès de son ami.

FRANCE-SOIR. Où et comment avez-vous rencontré Alain Bashung ?


JEAN FAUQUE. Je suis arrivé à Paris à 18 ans pour écrire des chansons. Je faisais des petits boulots pour vivre, tout en écrivant. Afin de vendre mes textes, je suis allé voir des éditeurs et je leur ai envoyé mes productions. Les éditions du Minotaure – qui appartenait à Michel Fugain – m’ont répondu six mois plus tard. Ils m’ont demandé de passer à leurs bureaux parce qu’ils avaient une surprise pour moi. J’ai entendu l’un de mes textes chanté par Bashung. A l’époque, il préparait un album. Je l’ai donc rencontré, en mars 1975, dans un café rue Jean-Mermoz, à Paris. Quand Bashung est entré, je me suis dit qu’il sortait d’une bande dessinée. Il avait une coiffure en banane et était vêtu d’un jean moulant aux revers retournés, de boots à talons, d’un perfecto et d’une chemise en velours rouge frappée avec des boutons de nacre blanc. Son style était à mi-chemin entre le rock et la country. C’était un mélange entre Johnny Cash et Elvis Presley. Nous avons échangé nos numéros de téléphone et nous nous sommes rendu compte que nous étions voisins, à Saint-Cloud.

Cette biographie a t-elle été écrite pour commémorer sa disparition ?


Non, il n’était même pas question d’une biographie. Ce que voulait Marc Besse, c’était faire un livre sur Alain Bashung. Finalement, après avoir mené de nombreuses interviews avec Alain et son entourage, il commençait à avoir un dossier assez touffu. L’histoire de la biographie s’est dessinée progressivement. Il n’y a pas, non plus, de lien particulier avec la maladie d’Alain. Le projet avait été entamé bien avant.

Pourquoi Marc Besse vous a t-il sollicité pour écrire cette préface ?


J’ai trente-quatre ans de vie commune avec Alain Bashung. Avant 1975, je ne sais pas trop ce qui s’est passé dans sa vie – à part ce qu’il voulait bien m’en dire –, sinon je le connais très bien. L’idée de la préface est venue naturellement. J’ai aidé Marc Besse, à trouver les bonnes personnes à interviewer, celles qui comptaient dans la vie d’Alain, comme Daniel Tardieu (NDLR : compositeur-interprète.)

Pouvez-vous nous parler de l’homme qu’il était ?


Mon regard est très subjectif. Alain était mon meilleur pote. Il se confiait difficilement. Depuis dix ans, il était devenu beaucoup plus silencieux. C’était difficile de capter ses pensées. Il était mystérieux et peu causant. On ne s’est jamais disputé. Il y a sept-huit ans, il m’a dit : « C’est marrant parce que tu es le seul mec avec qui je ne me suis jamais fâché. Ah si… Une fois, je n’étais pas content après toi… » Il m’a expliqué que lors d’un de ses concerts, j’avais oublié d’aérer son pantalon en cuir. Il n’en avait qu’un pour la tournée. Du coup, le lendemain, il n’était pas sec. C’était un reproche d’une banalité absolue. Nous en avons bien rigolé. Il aimait d’ailleurs beaucoup rire. Il avait un humour à l’anglaise.

Et de l’artiste ?


C’était quelqu’un d’une extrême rigueur. Très bosseur. Plus le temps passait, plus la gestation des chansons était longue. Il avait horreur du conformisme. Il voulait, à chaque fois, explorer de nouvelles choses. Il se lançait toujours de nouveau challenge. En studio, les choses n’étaient pas téléguidées. Souvent, nous prenions une tout autre direction parce que le casting n’était pas idéal ou encore parce que la couleur de l’album n’allait pas. Ce cas de figure, nous l’avons par exemple vécu sur Chatterton ou Novice. Sur des albums comme Osez Joséphine et Fantaisie militaire, le travail était plus cadré. Tous les gens qui travaillaient avec Alain Bashung avaient un grand respect pour l’artiste.

Vous avez écrit une cinquantaine de chansons pour lui. Vous laissait-il carte blanche ?


Oui totalement, mais il fallait que j’explore beaucoup de pistes différentes. De temps en temps, il avait un sujet, parfois il me le soumettait, parfois non. C’était un puzzle de nos idées. Ma petite entreprise, c’est Alain qui a commencé à l’écrire. Je l’ai poursuivi.

Vous êtes parti aux Etats-Unis ensemble pour enregistrer Osez Joséphine, un titre que vous avez écrit. Que s’est-il passé là-bas ?


Quand les Américains ont vu arriver Alain, ils ne le prenaient pas forcément au sérieux le petit « frenchy ». Et puis, dès le premier soir, dés qu’il a pris la guitare pour jouer She Belongs to Me de Bob Dylan, ils ont arrêté de rigoler.

Si vous aviez cinq dates à retenir dans votre relation avec Alain Bashung, quelles seraient-elles ?


Notre rencontre en mi-mars 1975. Novembre 1982, lorsqu’il m’a fait dîner chez Serge Gainsbourg. L’année 1988, quand notre collaboration a démarré. Le samedi 13 juillet 1991, lorsque nous avons enregistré Osez Joséphine à Memphis. Et enfin le dernier concert que j’ai vu de lui, en décembre 2008.

Comment avez-vous appris la mort de votre ami ?


Ce jour-là je faisais une sieste. J’ai reçu un SMS de Thomas Dutronc qui m’écrivait, « il y a un bruit bizarre qui tourne sur Alain ». Au même moment, j’avais un message sur mon répondeur, c’était, Emilie l’assistante du tourneur, en pleurs.


Edition du quotidien France-Soir du 10/09/2009

 

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