Prohibition est un album parfait pour découvrir Fontaine, est un excellent album tout court.
Il y a, comme à son habitude, de douces mélopées, puis d'autres, bien rock ; bien punchy. Il y a dans les textes de Brigitte Fontaine, dans sa diction ; quelque chose de poétique. Cette femme à la capacité à vous toucher, en écumant ses longs textes savoureux, ciselés, avec une écriture d'une précision rare. Et puis cette diction, cette manière bien à elle de faire trainer la dernière syllabe, de rouler les r, de faire jaillir certains mots pour qu'ils vous enivrent, pour qu'ils flottent dans l'air quelques brefs instants, et prendre toutes leurs forces.
Brigitte fontaine est loin, très loin de la cage que les médias lui ont construit, loin du costume qu'on lui dessine. Cette femme a une sensibilité extrême, une douceur pleine de classe ; une exquise élégance. Mêlé à ça, sa voix et sa plume (elle écrit tous ses textes) vous balance des watts, de la puissance ; des mots tranchants.
Brigitte Fontaine est un vaste Monde à elle seule, une land de contraste ; de surprise...
C'est donc tout naturellement, que j'avais RDV ce 16 Novembre, entre les murs marbrés du Palace, pour savourer pour la deuxième fois cette femme rare et exceptionnelle en concert. La salle était pleine à craquer, la queue sévissait jusque loin sur les Grands Boulevards Parisien, avant de pouvoir pénétrer l'antre du Palace et y trouver son siège. Mon petit cœur battait la chamade, plusieurs mois que le Pass patientait dans son coin, avant de se voir déchirer son talon par Mr Le Contrôleur dudit Palace.
Lorsqu'elle apparut sur scène, comme il y a quelques années, ce fut une ovation, une vraie ovation. Sur sa seule entrée en scène, le public applaudit, et, respectueusement se lève, c'est à voir ; vraiment ! Standing ovation donc pour la Reine des Kékés avant qu'elle prononça le moindre mot.
Puis les titres s'égrainérent. Je commenterai directement la chanson titre du dernier album ; Prohibition. Après quelques titres beaucoup plus fougueux, Brigitte, Ma Brigitte, s'assied dans un petit fauteuil de cuir noir, disposée en bord de scène. Ambiance et lumière intime, musique douce et langoureuse, et Elle, élégante, fier ; divine.
Le regard planté loin dans le haut du ciel, elle commence l'interprétation de ce texte magnifique, sublimé par la musique de son Belkacem de compagnon :
J'exhibai ma carte senior
Sous les yeux goguenards des porcs
Qui partirent d'un rire obscène
Vers ma silhouette de sirène
Je suis vieille et je vous encule
Avec mon look de libellule
Je suis vieille et je vais crever
Un petit détail oublié
Passez votre chemin, bâtards
Et filez vite au wagon-bar
Je fumerai ma cigarette
Tranquillement dans les toilettes
Partout, c'est la prohibition
Alcool à la télévision
Papiers, clopes, manque de fric
Et vieillir dans les lieux publics
Partout, c'est la prohibition
Parole, écrit, fornication
Foutre interdit à soixante ans
Ou scandale et ricanements
Les malades sont prohibés
On les jette dans les fossés
À moins qu'ils n'apportent du blé
De la thune aux plus fortunés
Les vieux sont jetés aux orties
À l'asile, aux châteaux d'oubli
Voici ce qui m'attend demain
Si jamais je perds mon chemin
J'ai d'autres projets, vous voyez
Je vais baiser, boire et fumer
Je vais m'inventer d'autres cieux
Toujours plus vastes et précieux
Je suis vieille et je vous encule
Avec mon look de libellule
Je suis vieille, sans foi ni loi
Si je meurs, ce sera de joie
Ce fut un instant suspendu, un moment de communion et de respect de son public. Pas un mot, pas un bruit, comme une confession. Puis, lorsque vint cette dernière splendide phrase « si je meurs, ce sera de joie », et bien là, très chers lecteurs, très chères lectrices, nous nous levâmes tous, pour une acclamation sans fin, emplie de respect...
Il fallait être là, vivre ce moment, s'en délecter...
Je commenterai que ce titre pour donner un reflet du concert et de cette belle soirée, et ajouterai que, cette fois ci, Brigitte Fontaine gagnait en émotion et en force, sur des morceaux « doux » plus que sur des morceaux puissants, où parfois, l'intensité de sa voix se perdait dans les accords de... Yann Péchin !
Et oui Très très chers Internautes, car il était là, toujours aussi chevelu, toujours aussi... et toujours aussi fort puissant et contagieux. Il était là, comme il fut là, jusqu'au bout pour lui, comme il fut là pour transcender, sublimer Malaxe (toutes tournées confondues), comme il fut là dans l'intimité de Bashung pour interpréter Happe sur l'Olympia et Dimanche l'Elysée 2008, il était là ; et bien là...
Fidèle musicien de Brigitte Fontaine depuis plusieurs années, sa présence sur scène en ce soir divin, m'a forcément (tiens Malaxe à l'Elysée s'échappe de mes enceintes au moment où je converse avec vous...) rappelé Bashung. Parfois, mon esprit se décrochait, et je le regardais lui, lui qui a suivi Bashung... Alors il y a avait un peu de ces derniers concerts ce soir là...
A la présentation des musiciens, Yann Péchin a explosé l'applaudimètre, et Fontaine fit trembler... le marbre du Palace.