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Bashung par Philippe Barbot - Edition Du Layeur

 

 

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Bonjour Philippe Barbot, Je suis très heureux de vous rencontrer aujourd’hui pour la sortie de votre livre sur Alain Bashung, sobrement intitulé « Bashung » et qui parait au Editions du Layeur. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, votre CV est absolument passionnant ! Vous avez travaillé et écrit pour Télérama, Rolling Stone, Le Monde de la musique notamment; et aussi pour le magazine… Serge que j’ai adoré ! On peut aussi vous écouter interviewer entre autres Gainsbourg Bashung Pierre Barouh… et Georges Brassens; vous avez interviewé Georges Brassens, c’est incroyable tout de même !! Vous auriez pu vous arrêtez là, mais non, vous avez publié deux albums Pop rock, que l’on peut écouter sur diverses plate-formes : Point barre (2012) et Dynamo (2016) que j’ai écoutés en travaillant sur cette interview et qui m’ont bien plu. Un mot sur ce parcours ?

J’ai toujours pratiqué en parallèle le journalisme et la musique. D’où le sobriquet que je me suis auto-attribué :  "journaleur chantiste ».

 

Trés joli sobriquet! Alors ici, on aime bien recevoir, et je vous propose de siroter tranquillement un petit drink assis confortablement dans ce vieux canapé en cuir ! Je vous propose :

Un Perrier tranche

Un verre de Sancerre blanc

Un Bourgogne rouge

Une pression

Un verre d’eau avec un glaçon

Je choisis le Sancerre blanc (sans glaçon), mais, étant végétarien, je préférerai un canapé en tissu.

 

Il n’y a vraiment aucun risque qu’un glaçon se glisse dans un verre de vin chez nous ! Pour le canapé, je m’engage à en changer pour la sortie de votre prochain opus sur Bashung que vous viendrez nous présenter ! Maintenant que nous sommes tranquillement installés, que nos lecteurs vous connaissent un peu plus, ma première question est toute simple: Pourquoi deux biographies sur Bashung (qui portent le même nom) à 20 ans d’écart ? Et pourquoi Bashung ? 

La première date de l’an 2000, donc du vivant d’Alain, et c’était une courte bio dans un format de poche des éditions Librio, vendu 10 francs à l’époque. La nouvelle, comme vous l’avez sans doute constaté, est beaucoup plus documentée, illustrée, et, hélas définitive. Pourquoi Bashung ? Parce que c’était lui, parce que c’est moi, pour reprendre la formule fameuse de Montaigne à propos de la Boétie.

 

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Celle que vous publiez aujourd’hui au Editions du Layeur est plus particulièrement une biographie discographique en quelque sorte ! Chaque album a droit à son chapitre, par ordre chronologique, mêlant anecdotes d’enregistrement, anecdotes de paroliers, chronologie de sa vie perso, de son état d’artiste, et bien entendu, ça donne une lecture intéressante de l’album, un angle de vue.

C’était le but, c’est aussi le principe de cette collection de beaux livres. J’ai eu la chance de rencontrer et d’interviewer Alain à chaque sortie d’album, j’avais donc la matière nécessaire pour agrémenter la simple description du contenu des disques.

 

Vous continuez avec les live savamment observés, les rôles au cinéma et autres apparitions et compositions moins connues ! En somme, une intégrale de sa carrière ? 

La totale ! Enfin j’espère…

Vous l’avez suivi tout au long de son parcours ?

Depuis le début des années 80, époque "Gaby", jusqu’à la fin. Son tout premier album m’avait déjà séduit, mais je n’ai pu le rencontrer que peu après, lors une interview pour Le Monde de la Musique.

 

 

 

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Votre premier souvenir de Bashung, le premier, son le premier mot ?

Il enregistrait dans un studio de Boulogne la BO du film Le Cimetière des voitures. J’ai tout de suite aimé sa façon de parler, à la fois douce, drôle, tendre et réfléchie, qui tranchait avec la plupart de ses collègues… 

 

En quoi Bashung s’est-il différencié au fil du temps de ses contemporains ? En quoi a t-il acquis cette stature qu’on lui accorde aujourd’hui ?

Il n’a cessé de se remettre en question, de prendre des risques, de chercher, de tâtonner, d’explorer, d’avancer sans compromission, au risque parfois d’être incompris. Une hardiesse qui n’a pas été le lot de beaucoup d’artistes.

 

 

J’ai l’impression que souvent, des âmes maladroites opposent la période Bergman à la période Fauque. Pour moi, j’y vois comme la continuité, une suite presque logique, évoluant au fil des années, et de ses aventures. On ne chante pas la même chose à 20 ans et à 40 ans, parce qu’on ne vit pas la même chose, mais la poésie est la même ?

Tout à fait d’accord avec ça. La seule différence entre Bergman et Fauque, c’est que le premier ne co-écrivait pas avec Alain. Mais tous deux ont réussi à imposer un style d’écriture aussi original que novateur.

 

Comment expliquez vous que, malgré le fait qu’il y ait toujours eu un auteur avec Bashung, on reconnaît du Bashung de suite, les mots sonnent toujours pareil. Reconnaissable immédiatement !

Alain, c’est lui qui le disait, aurait été incapable de chanter un texte qu’il ne ressentait pas. Aussi bien les jeux de mots de Bergman que les envolées énigmatiques de Fauque. D’autant qu’il les mettait lui même en musique, la plupart du temps, donc en assurait la prosodie. C’est là la force d’un grand artiste que d’être toujours soi-même, reconnaissable, même dans les différences. 

 

Pensez-vous que Bleu Pétrole fut un album de transition ? Qu’après L’imprudence et Fantaisie militaire, qui pour moi ne font qu’un, sont en quelque sorte une suite, il était tout de même difficile de continuer, et que peut-être, Bashung avait besoin de quelque chose de plus léger, de plus chantant ? C’était en quelque sorte, un nouveau départ après avoir refermé un grande boucle.

Il l’a dit lui même (je cite) : "J’avais envie de chanter d’avantage, d’être plus dans l’émotion, m’exprimer plus directement dans une écriture qui ne ressemble pas à ce que je faisais avant..." Mais déjà, il pensait à la suite, il avait d’autres projets avec Jean Fauque, peut-être plus instrumentaux, voire symphoniques. 

 

Vous qui avez interviewé et rencontré Bashung sur plusieurs décennies, qu’est-ce qui a changé chez lui au fil du temps?

Le chanteur de variétés des tout débuts, transformé en rocker post punk, puis en esthète baroudeur. Plein de Bashung, un seul Alain.

 

Je vous resserre un verre ?

Vous n’auriez pas quelques cacahuètes ?

Si bien entendu, j'ai même des noix de cajou ! Allez reprenons un verre de Sancerre bien frais et sans glaçon !! Bashung a fait plusieurs reprises, toutes aussi surprenantes les unes que les autres car, elles transformaient toutes l’originale - excepté le Sud pour moi, de Nino Ferrer plutôt fidèle à l’original - c’est ça Bashung, il transforme, il malaxe ?

Oui, il avait le talent de s’approprier tout en restant respectueux. Sa reprise des "Mots bleus" par exemple, est exemplaire. Moi qui n’appréciais que modérément la chanson de Christophe (même si j’adore le bonhomme par ailleurs), j’ai été bouleversé par l’interprétation d’Alain, jusqu’à redécouvrir la chanson. Dans les reprises "dispensables", au "Sud", j’ajouterai "Suzanne", que je n’ai pas trouvé transcendante. Mais, bon, pas facile après Cohen, même via Graeme Allwright…

 

Il y a quelque chose de récurrent chez Bashung c’est la disparition ! A plusieurs reprises, des auteurs, des musiciens, des amis m’ont raconté cette faculté à s’évaporer, à disparaître, sans laisser d’adresse… Puis réapparaître au loin, bien des années plus tard, sur une autre route, une nouvelle direction, avec une autre équipe !

C’est sans doute le prix à payer pour se renouveler. Changer son monde, à défaut de changer le monde…

 

C’est ça qui donne cette recherche perpétuelle, cette nouvelle couleur à chaque album; pas de compromis, pas de réédition ?

C’est en effet la recette, si tant-est qu’il y en ait une.

 


Le suicide commercial de « Play Blessure » comme dit à l’époque, c’est une ode à la liberté, le début de sa liberté d’entreprendre, de chercher, qu'il n’aura de cesse de  perpétuer.

On le sait, il voulait se débarrasser de son image de chanteur rock rigolo, après "Gaby" et "Vertige de l’amour". Il a en partie réussi, même si le public n’a pas toujours suivi et continué de lui réclamer ses tubes. Et puis, bosser avec Gainsbourg, le rêve, non ?

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Sur Figure imposée, vous dites que Bashung n’y croyait pas, un manque d’envie, il dit lui-même qui lui « manquait la sensualité sonore » ?

Il n’était pas content de la production, du son, et avait essuyé les plâtres de l’enregistrement numérique, nouvelle technique de l’époque pas encore bien maîtrisée. Or, Alain aimait tout maîtriser…

 

Les raisons pour lesquels nos Apaches de lecteurs doivent absolument se procurer votre livre sont multiples, comme par exemple le fait que chaque album ou titre, possède sa petite anecdote. On y apprends d’ailleurs (moi en tout cas) que c’est Margerin (le papa de Lucien) qui a dessiné la pochette de SOS RACISME. Pour Pizza, on a l’explication au titre « Vertige de l’amour » via la voix de Boris Bergman et quand même… ça vaut le coup de lire ça ! On apprends aussi comment un drame survenu à l’été 98, a pu inspirer la chanson 2043. Il faut vraiment être passionné par le personnage et par l’œuvre pour collecter toutes ces anecdotes ?

Plus que ça, il faut être carrément amoureux... En amour, on ne se refuse rien.

 

Au détour d’une phrase, d’une explication donnée à une chanson vous écrivez « Bashung en a aussi, comme souvent, une autre (explication) » j’ai déjà lu ou entendu Bashung donner différentes explications à ses textes. Vous aussi donc ?

 

C’était l’une de ses constantes, non par manque de sincérité, mais parce qu’il lui était difficile d’expliquer le pourquoi et comment d’une chanson, qui échappe souvent à toute logique rationnelle. Parfois, c’est même l’interlocuteur qui pouvait en suggérer la clé. 

 

Vos futurs lecteurs se feront un plaisir de découvrir à plusieurs reprises, la voix de Bashung donner le sens au texte d’une chanson. Moi j’ai un souvenir dont je n’ai jamais retrouvé trace et du coup je me questionne sur la réelle existence de ce souvenir. Lors de cette tournée (Confessions publiques) que j’ai vu plusieurs fois dans plusieurs salles, Il avait été déposé sur les sièges, (au Zénith de Paris de mémoire), un texte donnant une explication sur le sens de Ma petite entreprise. S’il y a bien un titre qui à suscité plusieurs interprétations c’est bien celui-là !  Ma petite entreprise, c’était Entreprendre, c’était la séduction, séduire une femme lui faire la cour.

Jean Fauque l’explique, je crois, dans le bouquin : la "petite entreprise" vient de Ronsard et des poètes de l’amour courtois, au sens d’entreprise amoureuse. Alain et lui se sont amusés a transposer l’expression dans le monde moderne. Avec, sous-jacente, une allusion à la masturbation…

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Visuel issue de votre livre

 

Pensez-vous que sur la dernière tournée, le choix de Night in white satin cette fantastique reprise des Moody Blues soit un hasard. Ne pensez-vous pas que, Bashung qui n’a jamais dit je t’aime dans ses chansons (excepté dans Helvete Underground : « L'appât d'la gaine me fait sortir le grand je t’aime" ) alors qu’il a tant parlé d’amour, était beaucoup trop pudique pour nous dire je vous aime, et que c’était donc plus simple de chanter « Ohh I love you » des Moody blues en tout derniers mots de concerts pour nous dire au revoir ?

C’est une jolie interprétation qui me convient tout à fait. On le sait aussi, Bashung était un grand amateur et connaisseur de musique, une rare personne avec laquelle on pouvait discuter aussi bien de Buddy Holly que de Léo Ferré,  Kurt Weill ou Wire. 

 

Quel est votre premier concert de Bashung ?

Je ne m’en souviens pas précisément. Sans doute à la même époque. Je me souviens surtout d’un concert plutôt houleux donné à Melun, pendant la tournée Play Blessures. L’époque où Alain refusait de chanter "Gaby" et jouait les rockers destroy sur scène…

 


Votre dernier ?

L’Élysée Montmartre, décembre 2008. J’en frissonne encore.

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Votre album favori, et pourquoi ?

Sans doute Novice, à partir duquel j’ai vraiment commencé à entamer une relation autre que strictement professionnelle avec Alain. Le petit mot reproduit en intro du bouquin date de là.  

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L’album que vous écoutez le moins, et pourquoi ?

Figure imposée, mal foutu pour les raisons décrites plus haut, même s’il comprend de bonnes chansons comme "What’s in a bird" ou « Élégance".

 

Un live en particulier ?

La Tournée des grands espaces, que j’avais suivie pour Télérama avec le photographe Richard Dumas, à Lille et Bruxelles.

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Bashung nous avait habitué à attendre, à attendre, à attendre !! Attendre, pour un album, un concert, une tournée ! On attendait 5, 6, 7 ans, et aujourd’hui on attend depuis 11 ans; c’est long non ?

Il nous manque, et c’est vrai pour moi, presque chaque jour. Mais, et tant pis pour le cliché, il est toujours là, à travers ses disques que l’on peut sans cesse redécouvrir.

 

Votre livre est vraiment très beau, c’est un très bel objet. Un beau papier, de grandes pages, et de très belles photos, reprenant les pochettes de ses albums sur de grandes pages, avec de la couleur ! En ces temps un peu, particulier, sans trop de concerts, avec un peu moins de liberté ou de plaisir, votre ouvrage fait du bien, vraiment ! C’était un choix volontaire toutes ces couleurs ? 

C’est le principe de la collection, cette fois dû au talent du maquettiste Guillaume Prieur. Bashung nous en a fait voir de toutes les couleurs, non ?

 

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Tout à fait, le noir de Novice, le bleu de Chatterton, le vert de Fantaisie Militaire … Arrive votre Epilogue, qui m’a noué la gorge, et fortement humidifié la rétine. On comprends dans les paroles de Yann Péchin, de Boris Bergman, de jean Fauque, l’empreinte qu’il a laissé chez ceux qui l’ont réellement connu, ceux avec qui il a travaillé. La faculté qu’il avait aussi de pousser les gens dans leurs retranchements pour en sortir le meilleur, les transcender. Bergman a cette phrase très belle je trouve « il ne me doit rien, je ne lui dois rien, on se doit beaucoup » tout comme Yann Péchin qui dit «  Avant Bashung on m’appelait parce qu’on avait besoin d’un guitariste, depuis on m’appelle parce qu’on me veut moi » Et puis jean Fauque, qui se confie sur leurs dernières recherches sonore, et leur dernier échange téléphonique…

J’ai eu le bonheur de pouvoir interviewer tous ces gens. Quant à votre remarque, elle est pertinente, je la partage complètement.

 

J’aurai pu parcourir avec vous, j’aurai aimé même, décortiquer tous les albums de Bashung, et dialoguer sur tous les chapitres de votre livre. Mais on va laisser les lecteurs courir chez leurs libraires préférés pour se procurer ce très bel ouvrage, et retracer la carrière discographique d’Alain Bashung, riche, dense, variée et toujours surprenante. On sent votre passion comme votre respect pour l’artiste et sa carrière, et son intégrité artistique; et ça; c’est passionnant ! Philippe Barbot, je vous remercie pour cet échange pour votre livre, et souhaite à ce bel ouvrage beaucoup de lecteurs.

 

Merci à vous pour votre intérêt et vos appréciations. Comme disait Alain, "prenez soin de vous".

 

 

 

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Philippe Barbot

​290 mm x 290 mm – 144 pages
 

Prix public : 34 euros

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